Je ne suis jamais rentrée dans un casino. C’est la première fois. J’y peux rien, je ne suis pas joueuse. Je ne sais pas si c’est parce que j’ai peur de perdre, peur de pas avoir les codes, peur d’avoir la poisse ou de la porter. Bref, j’y vais jamais.
Mais là, j’ai pas le choix. Faut que j’y rentre. Je suis toute seule, j’ai pas les codes et je ne sais pas où me mettre. En conséquence, je sens l’angoisse qui monte : j’ai les mains moites et je déteste ça.
Juste à côté de la porte…
Je me suis assise au fond, près de l’allée, juste à côté de la porte. Je me sens trop mal, je ne vais sûrement pas rester. J’aperçois quelques visages connus, souriants, gentils. J’essaye de rendre les sourires et je grimace. Piteuse. Je me déteste…
La cérémonie commence. Je suis toujours toute seule. Sandrine n’est pas là. Elle sera en retard, oui, mais cette fois elle m’a prévenue. Elle est avec Jean-Michel Blanquer, le Ministre. Elle a choisi. Entre moi et le ministre. Vite vu, sans état d’âme…
La scène s’anime. On doit jouer. C’est un quiz. 3 questions. 3 choix. Mais pourquoi faut-il toujours que je choisisse la réponse la moins probable ? La poisse, la scoumoune ! Est-ce que je mérite d’être là ? Est-ce que vraiment, mais vraiment, tous les enfants vont apprendre à lire avec ce truc ? Et si ça n’en aidait qu’un seul ? Est–ce que pour un seul enfant ça vaudrait encore le coup ? Elle n’est toujours pas là. Mais qu’est-ce qu’elle fait ? Elle peut pas le lâcher le Ministre ?
Sur scène, les comédiens s’en sortent bien, ils sont marrants, ça doit pas être facile de faire ce qu’ils font, je ne voudrais pas être à leur place. Encore un coup d’œil vers la porte…
« Dépassez vos limites ! » qu’ils disent. Pour moi, c’est fait. C’est le moment de s’éclipser. Je saisis mon sac, je me retourne : flûte ! La voilà, avec Laurent et les deux loupiots, et avec le sourire.
Le sourire c’est contagieux
Je me sens mieux. Elle a eu raison de les amener, les petits, ça va leur donner du sens… Ils vont construire des liens entre l’agitation permanente de leur maman, ses trois journées dans une et ce concours. Enfin, si on gagne… Parce que si on perd, ils vont donner du sens aussi… Mais pas le même.
Quelqu’un se glisse à côté de moi. Oh ! La chance, le bol ! La roue tourne : mon mari est là, il a pu se libérer. Même s’il me glisse que du coup, il faudra qu’il aille soigner Madame Machin après la cérémonie, je suis soulagée, je me détends.
En fait, Aristote a raison, je suis bien une bêbête sociale (un animal social ? ah ! bon, d’accord).
Instant fatidique
C’est l’instant fatidique : je sens la main de Julia qui se pose sur mon épaule, Sandrine doit sentir son autre main. Mais là il y a quand même deux interprétations possibles : est-ce une main qui encourage parce qu’on va gagner, ou une est-ce une main qui console parce qu’on va perdre ? J’ai pas assez de capteurs. Je sais pas…
« et le prix de la création revient à MAGIK EDUK ! »
Non, je le crois pas ? Mais c’est la Baraka !
J’attrape vite fait le papier dans mon sac, celui sur lequel on a rédigé un petit truc au cas où. Je sais que Sandrine n’aime pas ça les papiers, mais je m’en fiche, je me venge, elle n’avait qu’à pas faire passer le Ministre avant moi…
A chacun WHY
Après… ben après je sais plus vraiment. Ah si ! J’ai eu la bise de Monsieur le Maire mais aussi de François Guillon des bières de Montmorillon, encore un coup de bol, la bière c’est mon péché mignon ! Et puis on a remercié tout le monde, enfin globalement parce qu’on ne pouvait pas les citer tous… Car on a été drôlement bien aidées, et depuis le début !
Plus tard, dans la soirée, on m’a dit plusieurs fois que ce tableau de 3 générations avec Sandrine, les petits et moi, c’était touchant. Là c’est moi qui ai été touchée : TRANSMETTRE, à moi c’est mon Why ! Les mouflets étaient ravis, ils ont piqué le gros chèque et le trophée mais il fallait bien récompenser leurs heures de testing !
Maintenant… Va falloir être à la hauteur. Ça met la pression non ? ( pas la bière, l’autre). On n’a plus le choix, faut pas décevoir, faut continuer, dépasser nos limites… Ah zut… Et ben voilà, j’ai encore les mains moites.